Le Mans, 11 juin 1955. La bataille entre Mercedes-Benz et Jaguar est à son comble. Le départ a été donné il y a un peu plus de 2h. Pierre Eugène Alfred Bouillin, dit Pierre Levegh court avec l'écurie Mercedes depuis cette année. L'écurie allemande a été très impressionnée par sa détermination lors de la course de 1952. Levegh court alors 23h sans changer de pilote. Il mène la course, gagnant du temps en restant au volant. Il perdra celle-ci suite à un souci moteur 1h avant l'arrivée. Mais ce 11 juin 1955, Levegh va perdre bien plus qu'une simple course.
18h26, Levegh est roue dans roue avec Mike Hawthorn (vert sur le schéma), le pilote clé de la Jaguar D-type anglaise. Les 2 pilotes sont dans la ligne droite des stands à la fin du tour 35. Hawthorn vient de doubler la "lente" Austin-Healey de Lance Macklin (en bleu) et s'apprête à s'arrêter dans les stands. Il freine alors, puissamment, grâce à la technologie exclusive de Jaguar à l'époque: les freins à disques. Les autres véhicules utilisent toujours les freins à tambours. Pour plus d'efficacité, les puissantes Mercedes soulèvent l'arrière du cockpit à la manière de l'aileron d'un avion pour freiner d'avantage, le fameux air brake. L'Austin-Healey de Macklin ne peut freiner aussi rapidement. Il se déporte alors sur la gauche pour éviter la Jaguar. Mais n'a pas vu la Mercedes de Levegh juste derrière lui. C'est l'impact.
Levegh tape l'aile arrière gauche de l'Austin-Healey et son engin part dans les airs en direction du public. La Mercedes s'envolent et part en salto avant. Le premier rang de spectateurs est promptement décapité. La voiture s'enflamme et des éléments de la carosserie, la transmission avant et le moteur partent dans le public. Elles feront de nouvelles victimes. Levegh est propulsé hors du cockpit et tué sur le coup. Sa dépouille sera retrouvée carbonisé après l'incendie. Les secours font signe aux coureurs de ralentir et arrivent sur les lieux du drame. Ils tentent d'arrêter le feu a l'aide de leurs lances à eau. Mais l'alliage de ce chassis en flamme réagit vivement. Ce qui entraine un regain de l'incendie. qui durera plusieurs heures... L'Austin aura plus de chance. Après un choc sur la rambarde droite, elle rebondira et percutera les spectateurs sur le flanc gauche, causant une nouvelle victime. Macklin, le pilote, sortira indemne de cet accident.
Le 11 juin 1955, plus de 80 personnes décèdent au 24h du Mans. Les rambardes de sécurité étaient alors rudimentaires et les spectateurs très proches du circuit. Sans compter qu'à l'époque, les voitures n'ont pas de lumières rouges à l'arrière pour indiquer le freinage. La protection des pilotes est également dérisoire. Après cette tragédie, la sécurité autour du circuit sera considérablement renforcée...
[ schéma: Wikipédia ]