Un Etat-providence
Cet État se veut si bienveillant envers ses citoyens qu'il entend se substituer à eux dans l'organisation de leur propre vie. Ira-t-il jusqu'à les empêcher de vivre pour mieux les protéger d'eux-mêmes ? (...) Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui.
Alexis de Tocqueville
Après les émeutes, le CPE, les grèves que l'on ne compte plus, qui croit encore que le gouvernement n'a pas d'impact sur notre vie de tous les jours? Depuis les élections de 2002, mais depuis la crise économique de 2001 en fait, on n'a jamais autant parlé politique: Les 35h, la mairie de Paris et Jean Tibéri, Le Pen au second tour, les lois Fillon, la Constitution européenne, Ségolène Royal...
A noter, les mouvements sociaux de 2003 (y-a-t-il des mouvements non sociaux en France?) liés à la réforme Fillon sur les retraites, verront Jean Pierre Raffarin s'exclamer:
C'est pas la rue qui gouverne!
On voit bien que ce gars n'avait rien compris. C'est bien la rue qui gouverne, en France en tout cas. Les faits sont là. Paradoxalement à ce pouvoir de la rue, le gouvernement se substitue à notre volonté pour noua imposer une façon de vivre, comprendre gérer son argent. Car à part la vie sentimentale, tout n'est que gestion d'argent. Vous choisissez entre acheter une voiture, aller tous les 2 jours au cinoche, ou faire un voyage aux Etats Unis une fois par an. L'Etat nous prend cet argent pour nous le redistribuer "équitablement" par la suite, nous privant d'une certaine liberté : la Sécu, la CAF, les bourses, les assurances obligatoires, l'impot sur le revenu, les cotisations retraites, les taxes, ... Rien ne me fait plus souffrir que de remplir les dossiers de la CAF une seconde fois parce que j'ai changé de département, les dossiers de bourses, les aides Locapass pour le logement. Même France Télécom, privatisé, a une relation client terriblement protectrice et des airs d'entreprise encore publique, quand on voit la paperasse (protection juridique) qu'il demande pour un abonnement mobile ou une ligne téléphonique...
Quand je lis ma feuille de paye, je sais pourquoi je touche tel montant, je revoie mon travail quotidien, mes neurones grillés sur telle ou telle tâche. Pourquoi je touche des ALS? Qu'ai-je fait pour cela? Pourquoi ne serai-je pas pleinement récompensé pour ce que je fais plutôt que pour ce que je suis: étudiant, français, boursier ou non, célibataire marié ou veuf, x enfants à charge, dont la profession des parents est... Non mais de quel droit, et de quoi je me mêle surtout?!
Un contrat de travail est plus simple à remplir qu'un formulaire de la CAF... Et pourtant Dieu sait que j'ai plus dinfluence sur l'entreprise dans laquelle je travaille: secret industriel, matériel hors de prix, dégâts potentiels... Pourquoi ne se protège-t-elle pas aussi bien que les institutions publiques?
Les Etats totalitaires détruisent la liberté individuelle en la supprimant purement et simplement, l’Etat se proposant d’administrer toute l’économie du pays. Les Etats providences agissent plus sournoisement, offrant au peuple une "sécurité sociale" en échange de sa liberté, substituant la responsabilité collective à la responsabilité individuelle. Dans le premier cas, les individus ne peuvent plus agir ; dans le second cas, les individus ne savent plus agir.
Jean-Louis Caccomo